Résistance, abnégation, sérieux. A vrai dire, ce ne sont pas les premiers mots qui nous viennent à la bouche face à ce filet de bar grillé et son risotto de fenouil confit. Pourtant, devenir chef s’apparente souvent à un parcours du combattant.
Si la chef Emilie Mazère reconnait que ces prédispositions sont intrinsèques au métier, elle y ajoute la passion, la générosité et l’exotisme.
Réservons notre appétit pour ce délicat filet de poisson, le temps de découvrir comment cette cuisine métissée est née dans l’esprit d’Emilie.
Sa grand-mère vietnamienne et restauratrice, lui a transmis l’amour des produits et la magie des mélanges. « Nous allions au marché, enchantées, comme d’autres vont au musée » me raconte la jeune femme. La grand-mère d’Emilie prenait le temps de lui expliquer les saveurs et les critères de choix des produits. Pourtant elle devra suivre une autre voie: « Et pourquoi pas des études de droit ? » Comme beaucoup d’autres passionnés, l’histoire unique se répète. La jeune fille réussira cette licence de droit pour le bonheur de ses parents. Pourtant dans le cœur de la locavore, l’amour de la cuisine pousse vivace telle une herbe fraîche. Son parfum finira par l’enivrer et cette artiste du goût s’abandonnera à son talent. De Yannick Alléno, elle retiendra la justesse des cuissons et d’Alain Dufournier, la générosité des plats.
Il y a de l’Asie, du terroir, des souvenirs et du jardin dans sa cuisine. Cette générosité déborde des casseroles d’Emilie Mazère et la chef dispense alors des cours de cuisine atypiques. Il ne s’agit plus d’apprendre le métier, mais de comprendre les produits. Organisés en parcours découverte, ses leçons font la lumière sur un aliment de choix.
Notre filet grillé est à point à présent et à y regarder de plus près, il révèle bien plus que son fumet. Désormais, on note le dressage juste, la légèreté et la touche acidulée de cumbava. Une bouchée suffit à faire voyager nos sens et rendre l’atmosphère conviviale.
Il n’en fallait pas plus à Jean-Christophe Stöerkel pour renouveler l’art du 6 Mandel. Dans cette maison d’hôtes de luxe parisienne, véritable oasis de verdure, Emilie Mazère suggère ses assiettes dressées comme autant de tableaux éphémères.
Le propriétaire aime les plantes, sa chef à domicile aime les produits et de cet équilibre émerge une histoire d’arts et d’arômes.